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MIS A JOUR LE 12/10/02 |
Comme toutes les armes V (Vergeltungswaffen) le V-3 était prévu pour bombarder l'Angleterre et plus particulièrement Londres, son objectif unique. Mais le manque de mobilité de ce type d'arme la rendait extrêmement sensible aux bombardements et attaques aériennes. D'où la nécessité de l'insérer dans un système de fortification. Le principe en est relativement simple, au lieu de coucher le canon sur la pente d'une colline, le canon prend place dans une galerie inclinée à 50° vers l'objectif à bombarder.
Cinq de ces galeries furent construites à Mimoyecques ainsi que tout un réseau de galeries de services, tunnels, locaux, sur plusieurs étages indispensables au séjour de la troupe et à ses nombreux départements techniques, mais encore une voie ferrée intérieure, qui assurait les transports d'un bout à l'autre. En surface, la zone particulièrement sensible où débouchaient les puits obliques, était protégée par une dalle de béton armée de 5m 50 ( 18ft ). Les embrasures des puits étaient protégées par une plaque d'acier de 20 cm (8in).
Le choix du site n'est pas dû au hasard. D'abord il fallait un site le plus proche possible de l'objectif mais également en retrait des côtes pour éviter toute attaque maritime. Le site exigeait également la proximité d'une voie ferrée pour acheminer les pièces détachées du canon, le lourd matériel nécessaire à son fonctionnement, l'évacuation des déblais et pour l'approvisionnement en munitions, explosifs et pièces détachées de rechanges, et d'une ligne électrique proche pour alimenter cette ville souterraine. Une réservation d'une puissance de 5.000 kilowatts avait été demandée par les Allemands à la centrale électrique du Nord-Ouest.
Enfin, une colline d'au moins 100m, faite d'un matériau stable et facile à creuser, était souhaitable pour l'installation des tubes de 150m avec l'inclinaison appropriée.
Toutes ces conditions se trouvent réunies à Mimoyecques sur la commune de Marquise dans le Pas-de-Calais (France). La colline crayeuse de Mimoyecques située à 8km de la mer et à 165km (95 milles) de Londres, à l'abri des fortifications du Cap Gris-Nez, proche de la voie ferrée Calais/Boulogne fut le choix des Allemands pour édification de la base des HDP. Dès avril 1943, quelques travaux préparatoires avaient été réalisés, en vue de déterminer la nature géologique exacte du terrain et fin mai, début juin, les travaux d'aménagement commençaient précédant l'ordre officiel qui n'arriva qu'en août comme le confirme les minutes de Speer du 19 et 22 août 1943 :
"- Suivant ma suggestion, le Führer a décidé de prendre le risque d'attribuer les contrats immédiatement pour la "Hochdruckpumpe" sans attendre les résultats des essais de tir. On doit accorder l'effort maximum aux polygones expérimentaux d'Hillersbeben et de Misdroy, et particulièrement à 1'achèvement de la batterie de tir ".
Les Allemands envisageaient construire deux installations parallèles espacées d'environ 1000m comportant chacune 5 puits avec 5 tubes par puits soit un total de 50 canons pointés sur Londres.
Outre les puits inclinés, chaque installation était desservie par un tunnel ferroviaire passant directement sous la colline et de nombreuses galeries de stockage des munitions.
Sous le nom de code WIESE (prairie) l'exécution du projet fut placée sous la responsabilité de l'organisation TODT avec pour mission l'achèvement de l'essentiel des installations en décembre 1943, époque fixée pour le début de l'offensive contre la Grande-Bretagne.
L'organisation TODT estima à 500.000 mètres cubes le volume total de béton à fournir pour cette seule installation en plus des 540 000 M3 prévues pour les 4 bases de lancement des bombes volantes FZG 76 (futur V1) et les 350 000 M3 nécessaires pour les 4 grands bunkers de tir des fusées A4 (futur V2).
Ces volumes de béton à fournir en plus du béton nécessaire à l'achèvement du mur de l'atlantique constitue pour l'époque un véritable défi industriel.
Des centaines de prisonniers et d'ouvriers du S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) dirigés par 450 mineurs de la RUHR furent regroupés en vue du percement des tunnels.
Fin août début septembre 1943 les travaux de grande ampleur purent débuter sur les deux installations.
De l'autre coté de la Manche les services secrets anglais commençaient à accumuler des informations concernant une arme nouvelle de nature encore inconnue pouvant atteindre le territoire anglais à partir de bases dissimulées en zone occupée. Une observation aérienne systématique des territoires ennemis fut entreprise avec une attention particulière à toute installation ayant un raccordement direct par voie ferrée, ce qui était le cas de la base des V3.
Des photographies prises le 18 septembre 1943 d'un lieu dit "Marquise-Mimoyecques" montrait une activité suspecte qui n'apparaissait pas sur les vues prises lors de la reconnaissance aérienne du 2 septembre.
Le Central Interprétation Unit diffusa le 25 septembre 1943 son premier Rapport d'interprétation sur le site de "Marquise Mimoyecques", rapport qui fut d'emblée répertorié sous la référence "Bodyline N° B.S. 44". La lettre B désignait alors tous les rapports d'activité concernant l'armée et la lettre S était ajoutée depuis le début de juillet 1943 à tous ceux ayant une relation quelconque avec le "German Long Range Rocket Dévelopment" (GLRRD) ou opération "Bodyline".
Dans le cadre de l'opération "Crossbow" (contre-mesure envers les nouvelles armes) les alliés s'empressèrent alors de bombarder ce site dans l'après-midi du 5 novembre 1943 en déversant 896 bombes pour un poids de 360 tonnes. Dix coups au but au minimum furent enregistrés sur les trémies conduisant aux tunnels, les routes et divers bâtiments.
De leur côté, les Allemands n'enregistrèrent que des dégâts matériels sans importance. Toutefois 10 tués et 32 blessés furent signalés dans le Journal de Guerre du Général de la Luftwaffe attaché à l'Oberkommando der Marine.
L'attaque fut renouvelée trois jours plus tard, le 8 novembre.
Une étude détaillée du site fut réalisée le 13 novembre 1943 et publiée dans Rapport d'interprétation B.S.97 :
"La découverte d'un type nouveau de site "Bodyline" a été relatée dans le B.S. 44 et les rapports suivants. Le seul site de ce type repéré jusqu'ici est celui de Marquise-Mimoyecques et c'est pourquoi une description complète de cette installation est faite ci-après".
Ce rapport décrit longuement les installations ferroviaires en cours d'aménagement ainsi que huit structures étranges en forme de "meules de foin" a une époque ou le foin est déjà rentré.
le rapport conclut en ces termes :
"Le rapport CX (Air Intelligence N' 58083) précise : "il apparaît que les trous dans le sol... sont creusés de telle sorte qu'ils abritent des installations qui recevront elles mêmes des projectiles fusées à longue portée de 6 à 10 tonnes" il est très possible que les trous mentionnés ci-dessus soient les mêmes que ceux observés au-dessus des tunnels A/B et C/D... La comparaison des couvertures photographiques (RA/778 et E/644 du 3 novembre 1943) révèlent que les "meules de foin" sont situées exactement à l'endroit où des excavations avaient été remarquées antérieurement et que des travaux de construction sont probablement en cours au-dessous de ces "meules de foin" ".
En fait ces "trous" recouverts de "meules de foin" constituaient les extrémités extérieures des puits inclinés dans lesquels devaient être installés les tubes des canons à charges multiples.
Bien que les bombardements du site n'eurent guère d'effets, les attaques de plus en plus nombreuses de l'aviation alliée sur les réseaux de communication et les centres industriels eurent pour effet un ralentissement sérieux de l'activité économique allemande, les obligeant à réviser leur dispositif pour permettre une économie substantielle de béton sur tous les sites alors en construction.
De plus une lettre de l'Heereswaffenam du 25 novembre 1943 signale que l'approvisionnement des 50 tubes ne pourrait être tenu :
"Déploiement : On prévoit la fourniture unique de 25 tubes en tout. La durée de chaque tube est estimée à 3000 coups.
Une batterie de 5 tubes sera probablement prête le 1er mars 1944. Cinq batteries avec un total de 25 tubes seront prêtes avant le 1er octobre 1944.
Projectiles : 10.000 coups par mois. La première livraison aura lieu le 1er avril 1944 au plus tôt…"
Pour ces raisons et non suite à un bombardement, les Allemands abandonnèrent l'excavation de la batterie Ouest pour concentrer leurs efforts sur l'achèvement de la batterie Est dont les travaux étaient plus avancés. En effet, dès septembre avaientt débuté sur le plateau Est les travaux de terrassements de la dalle de béton d'une épaisseur de cinq mètres devant assumer la protection de l'extrémité des 5 batteries de 5 tubes.
Le Général Commandant Heinemann dans son rapport du 6 janvier 1944 sur les nouvelles armes nous donne plus de précisions:
Tausendfüssler (Mille Pattes)
I Développement et fabrication
La fabrication des tubes s'effectue à Vôlklingen. Au cas où l'usine de construction serait endommagée par des attaques aériennes, il faudrait prévoir des retards considérables.
La production des munitions est en cours et est prévue et garantie pour 200 coups par batterie et par jour. Pour le moment on prévoit seulement la fabrication de projectiles explosifs (Az). Des projectiles mines et incendiaires seront produits plus tard.
II Construction
La construction d'un total de 5 batteries est prévue. Chaque batterie comporte 5 tubes, placés les uns au-dessus des autres. Le plan prévoit l'aménagement de la totalité des 5 batteries dans un seul ouvrage, que l'OT est en train de construire depuis septembre 1943 (à une distance d'environ 7 kilomètres de la Côte).
En partant d'un point X déterminé de la cible principale, les batteries sont disposées de telle sorte qu'on obtient une certaine dispersion du feu. En fonction de la moyenne des points d'impact, une superficie de 24 kilomètres carrés de cible serait couverte.
Un puits incliné pour 5 tubes sera terminé le 15.2.1944. Le montage commencera ensuite, qui nécessitera 3 semaines.
La protection du chantier est actuellement assurée par une compagnie de protection territoriale.
L'ouvrage entier sera achevé pour constituer un point d'appui fortifié. Les plans en sont prêts, mais les travaux n'en sont pas encore commencés.
Un bataillon d'infanterie est prévu pour constituer la garnison du point d'appui.
III Ravitaillement
Dans l'installation elle-même se trouve un stockage d'une capacité de 5000 coups et 400.000 gargousses au total (chaque coup nécessite 80 gargousses). 2 ou 3 stockages intermédiaires sont encore à trouver. Des véhicules spéciaux ne sont pas nécessaires, mais il n'y a pas encore de convois de camions de 5 et 12 tonnes.
Le BefehlshaberderEinsatzarmée prévoit que le Général Commandant devra assurer la préparation, l'organisation et l'exécution du ravitaillement.
IV .....
V Selon les faits susmentionnés, il s'ensuit qu'une batterie de 5 tubes sera prête le 15 mars 1944".
En résumé, on peut conclure
1).....
2) Dans les conditions ci-dessus énumérées, on peut prévoir avec quelque certitude le déploiement complet de tous les projets spéciaux pour le milieu du mois d'avril 1944
3) A cette date la cadence de tir quotidienne pourrait atteindre les chiffres moyens suivants :
A4 environ 18 engins
FZG 76 environ 130 engins
Tausendfüssler environ 120 projectiles
C'est à dire un total de 268 engins ou projectiles par jour sur la cible principale.
Nous pouvons en déduire par calcul la masse d'explosif totale journalière prévue pour les nouvelles armes :
FZG 76(V1): | 830 kilos * 130 | = 107.900 kilos |
A4 (V2) : | 750 kilos * 18 | = 13.500 kilos |
HDP (V3) : | 30 kilos * 120 | = 3.600 kilos |
Total : | =125.000 kilos |
Tout l'hiver, les travaux se poursuivirent sous la colline dans le plus grand secret. Les trains pénétraient directement sous la colline par un tunnel de 600m de long formant une véritable gare souterraine avec ses quais permettant de décharger directement sur le chantier le matériel nécessaire et de charger l'énorme quantité de gravats à l'abri des regards indiscrets et des bombardements. La construction se poursuivit par l'édification des tunnels de service, des puits abritant les canons, des locaux techniques et d'immenses entrepôts destinés à accueillir l'énorme quantité de poudre nécessitée par les multiples culasses du HDP et les pièces détachées du canon dont certaines sections éclataient fréquemment. L'ensemble de la fortification et des 5 puits obliques s'étalaient sur plusieurs niveaux. Les niveaux inférieurs étaient enfouis à 105 mètres de la surface.
Le Rapport d'interprétation B.S. 315 du 4 mars 1944 notait que l'activité se poursuivait sans faiblir, de plus des membres de la résistance parmi les travailleurs français chargés de la construction, alertèrent les services secrets britanniques sur l'importance des travaux entrepris.
Informé Churchill fit de la destruction de cet emplacement un objectif prioritaire et des bombardements massifs eurent lieu les 19 et 26 mars sans grand effet.
Entre temps les essais peu concluant du HDP et la longévité réduite des tubes semèrent le doute sur l'opportunité d'achever les 5 batteries comme le signale en conclusion le rapport du 24 mars 1944 du Generalfeldmarschall Leeb Chef du Waffen Amt (Wa A):
Projet B 61
Achèvement des travaux pour seulement 2 batteries au lieu des 5 prévues.
A ce sujet une batterie tirerait sans interruption, pendant que l'on procéderait au changement des tubes de l'autre batterie. En outre on construirait un troisième puits en réserve. L'installation d'une troisième batterie se justifierait en fonction du développement des tubes et munitions de même que de la fabrication des tubes.
Le Waffen Amt demande une décision rapide".
Le pessimisme du Waffen Amt était partagé par l'Ob West qui se demandait si "l'ensemble du projet doit être arrêté ou poursuivi sur une plus petite échelle" dans la lettre du chef d'état major Blumentritt en date du 30 mars 1944
L'OT reçu alors rapidement l'ordre de n'achever que 3 batteries sur les 5 prévues.
Suite aux derniers essais du HDP, de nouvelles incertitudes planaient sur le projet ainsi que le rapportait la lettre du 2 juin 1944 de Heinemann à l'Ob West :
b) En ce qui concerne le projet Wiese on poursuit les travaux de trois puits au total, chacun comportant 3 ou 5 tubes. Dans le premier puits on doit commencer le montage le 15 juillet 1944, le travail devant être achevé le 15 août.
Le montage commencera le 15 août au deuxième puits et le 15 septembre au troisième. Il nécessitera un mois à partir du début des travaux.
De ce fait la date de mise en service la plus proche de la première batterie du premier puits avec 3-5 tubes sera le 1er septembre......
2) La diminution du poids de la charge explosive du projectile de HDP à 6 kilos au lieu de 30 de même que de la portée insuffisante à 150 kilomètres réduit considérablement l'intérêt de HDP en raison de ces chiffres.
On doit soulever la question de savoir si, avec une charge explosive si réduite, le résultat à en attendre justifie maintenant les efforts et moyens requis.
D'un autre côté on devrait examiner jusqu'à quel point on ne pourrait pas utiliser le projet "Wiese" pour d'autres buts avec des moyens réduits, par exemple comme installation de tir protégée pour le FZG 76......
On notera que le montage de la première batterie devait commencer le 15 juillet mais il semble que le montage ait déjà débuté fin juin comme indiqué dans le rapport d'interprétation B. S. 64 du 5 juillet, basé sur les résultats des reconnaissances aériennes effectuées au cours de la deuxième moitié de juin 1944 :
IV)Sur la partie de la dalle qui a été terminée, il y a trois emplacements rectangulaires de 9 x 4,50 mètres environ placés de manière équidistante à 25 mètres les uns des autres le long du côté nord-ouest. En chacun de ces endroits existe une ouverture s'inclinant vers le bas et le sud-est. Cette ouverture a une longueur de 1,50 mètre en son point le plus large et une longueur de 6 mètres, son axe longitudinal étant à angle droit avec l'axe longitudinal de l'excavation rectangulaire et par conséquent aligné sur l'axe de Londres. L'épaisseur du béton est d'environ 2,40 mètres...
VI)Dans l'excavation 2 il y a un objet incliné en ligne avec les ouvertures dans la partie ayant reçu son toit en béton et situé à 25 mètres de l'ouverture la plus proche...
VIIII) Les ouvertures ont probablement été construites pour recevoir une certaine sorte de tube de mortier correspondant à l'objet mentionné au VI ci-dessus......
Il est à noter que ce rapport enregistré sous la dénomination "Big Ben Sites " signale pour la première fois le montage d'éléments offensifs.
Le nom de code "Big Ben" venait d'être attribué au sous-comité de l'opération "Crossbow", chargé de traiter tout ce qui était susceptible d'être relié de près ou de loin à la grande fusée A4 dont tout (Reconnaissances aériennes, renseignements en provenance du Continent et aussi les messages "Ultra') laissait à penser que l'entrée en action était imminente.
Des contre-mesures radicales devenaient urgentes sur cet ouvrage qui, rappelons-le, n'avait guère été endommagé par les précédentes attaques.
Le 6 juillet 1944,alors que soixante pour cent des tunnels avaient été achevés, les appareils de manutention et les supports du canon étant en cour de montage, les bombardiers de l'escadron 617 spécialement armés des nouvelles bombes anti-bunkers Tallboy (grand garçon) attaquèrent le site. Longues de 6,4m (21ft), pesant 5454kg (12 000lb) et avec une vitesse de pénétration de 1 200km/h (750mph), les bombes ébranlèrent la colline crayeuse et pour la première fois endommagèrent sérieusement l'édifice.
le 7 juillet un rapport complet sur les dommages infligés contre Mimoyecques "Sonderbauten" est émis par l'Oberstleutnant Honig
"Concerne : Chantier 711
La structure d'ensemble du terrain est extrêmement bouleversée par les nombreuses attaques aériennes de ces derniers mois. De plus les galeries ont été creusées avec un très grand diamètre, certaines même avec une ouverture de 5 mètres, aggravant ainsi l'effet des bombes. En outre de nombreuses galeries transversales et longitudinales situées les unes au-dessus des autres débouchent dans plusieurs tunnels, de même que des puits obliques et verticaux qui ont aussi sérieusement affaibli la structure. A mon avis, la poursuite des travaux de construction n'a plus de raison d'être".
Circonstances de l'attaque : Le 6.7.44 à 15,20 heures 25 avions survolèrent le chantier à une altitude estimée à 7000 mètres. 12 bombes du type le plus lourd furent larguées sur le chantier en 17 minutes au cours d'une seule attaque.
Quatre impacts ont été enregistrés sur l'ouvrage, tandis que les huit autres bombes tombèrent dans ses environs immédiats. Chaque cratère a un diamètre de 25 à 35 mètres et une profondeur mesurable jusqu'à 15 mètres. La profondeur réelle de pénétration est vraisemblablement supérieure de 5 mètres. Les parois des cratères sont presque verticales jusqu'à une profondeur d'environ 5 mètres et rappellent tout à fait des explosions de mines.
Pour chaque impact se reporter au croquis.
Impact n° 1 - Position : Centre de l'impact à 6 mètres au sud du puits incliné 10, un peu en arrière de la dalle de toit.
Résultat : Rupture complète du puits incliné 10 et comblement des puits inclinés 6 et 9. Destruction de l'angle de la dalle de toit en béton à la périphérie du cratère. Fissure complète de la dalle de toit. Des fragments provenant de la dalle de toit en béton (environ 150 mètres cubes) se trouvent probablement dans le cratère. Celui-ci, par rapport à sa taille, ne présente que peu de rejets.
Résultat sur les installations souterraines : Destruction du revêtement en béton et de la voûte dans les petites galeries des moteurs Diesel. Les masses de décombres gisent en partie au niveau 100 mètres, obstruant le puits incliné. Au niveau 30 mètres, à une distance de 25 mètres du puits incliné 10, il y a des fissures larges de 1 centimètre dans le radier. Le puits incliné 10 est vraisemblablement très endommagé en dessous du niveau 30.
Impact n° 2 - Position : Centre de l'impact au-dessus des galeries 14 et 7, empiétant sur les galeries 6 et 8.
Résultat : Effondrement du revêtement en béton sur une longueur d'environ 30 mètres dans la galerie 14 et éboulement des roches situées au-dessus entre les galeries 6 et 8. Le puits de la galerie 7 s'est également effondré.
Impact n° 3 - Position : Centre de l'impact au voisinage du puits vertical a, 6 mètres à l'ouest de la galerie 6.
Résultat : Effondrement des galeries 6 et 7 non revêtues sur une longueur d'environ 25 mètres et comblement du puits vertical a jusqu'au niveau 100. L'effondrement du poste de travail situé au voisinage de la galerie 6 a causé la mort de deux ouvriers Allemands. Au niveau 100 le croisement non encore revêtu entre le puits incliné et la galerie latérale s'est effondré.
Impact n° 4 - Position : Centre de l'impact à 15 mètres à l'ouest de l'orifice du puits incliné entre 7 et 8. Le cratère touche à la dalle de toit.
Résultat : Forte fracture à la partie supérieure du puits incliné 8.
Résultat général : Effet très violent de pression au niveau 30, arrachage des revêtements et coffrages en bois, hommes renversés, formation de larges fissures du revêtement en béton dans l'ensemble du chantier situé dans la zone atteinte, formation de CO et de gaz explosifs, surtout au niveau 100. On peut supposer que des gaz provenant de l'explosion de la bombe ont aussi pénétré à travers les failles de la roche. Ceci n'a pu être vérifié.
Le système de distribution d'eau au niveau 100 a été détruit, à cause des dégâts subis par les tuyauteries. Le niveau 100 est dans sa plus grande partie comblé par les débris du puits incliné. La bombe doit être d'un type spécial à forte pénétration d'un poids de 4-5 tonnes avec ogive renforcée qui, en dépit de ses parois épaisses, contenait au minimum deux tonnes d'un explosif qui n'était pas à très fort pouvoir brisant (opinion de l'Oberstleutnant Honig). Les éclats trouvés tendent à confirmer l'épaisseur supposée des parois de 5-6 centimètres.
Pertes : Par suite des éboulements, 3 manquants (très probablement tués) et à cause d'empoisonnement par les gaz résultant de l'explosion : 2 morts au niveau 100. Au moment de l'attaque seuls le pompiste et son assistant travaillaient à ce niveau, mais tous deux ont été sauvés. Ils sont maintenant à l'hôpital, mais leurs blessures ne mettent pas leur vie en danger. Deux membres de l'équipe de sauvetage ont été tués par asphyxie résultant des gaz résultant de l'explosion. 4 personnes au total ont été sérieusement blessées, et 8 légèrement.
Conséquences concernant la poursuite des travaux de construction : L'épaisseur de terrain existante d'un maximum de 30 mètres n'offre plus une protection suffisante contre l'impact de ces bombes spéciales, même si les galeries sont revêtues de béton. La poursuite de la construction pour le but proposé est considérée comme sans objet dans ces conditions. Outre le fait que les travaux de déblaiement nécessiteraient plusieurs mois, la reconstruction des puits inclinés est absolument impossible.
Outre les avaries graves survenues à l'ouvrage, ce rapport signale 2 morts, 3 disparus, 12 blessés, ce qui est surprenant au vu des dégâts considérables et quand on sait que les effectifs du chantier furent estimés par la suite à 1500 personnes.
Le rapport est cependant formel sur un point, le site n'est plus en mesure d'accueillir le HDP sans entreprendre des travaux considérables. Une décision au plus au niveau devait être prise d'autant plus que comme nous l'avons vu, l'état-major était de plus en plus critique sur l'utilité d'une telle arme.
La décision parvint par télex le 18 juillet :
"Réf: Ob West la Nr 570144 g. Kdos. Ch. du 12.7.44. Chef H, Rüst. u. BdElWa AlWa Prüf Nr 1211144 g. Kdos. Ch. du 13.7.44.
Objet: Ouvrage "Wiese".
Le Führer, après conférence avec le Chef HeeresstablOKW a ordonné la poursuite des travaux de l'ouvrage "Wiese".
La proposition du Waffen Amt sous référence 2 est totalement acceptée par le Führer.
Conformément à cette proposition un but d'utilisation multilatérale et simultanée pour le déploiement est possible, à savoir :
1) un puits oblique pour cinq tubes "Fleissiges Lieschen"
2)deux "Sclanke Berta"
3)deux installations de tir à l'air libre pour "Meteor"
Une fois de plus Hiltler confirmera donc la poursuite du projet avec cependant une réduction du nombre de HDP et avec des aménagements pour d'autres armes :
Tout d'abord "Sclanke Berta" le canon de 280 mm K5 sur voie ferrée et le "Meteor", la fusée à 4 étages de carburant solide plus connue sous le nom de "Rheinbote" et qui était la dernière arme secrète allemande.
Une batterie de HDP devant toujours être achevée et "wise" étant fortement endommagée, il est apparu rapidement au ingénieurs allemands qu'il valait mieux reconstruire une nouvelle installation plutôt que de remettre en état Mimoyecques comme nous l'explique le rapport du 30 juillet de Honig
"Rapport concernant les investigations pour un emploi futur de l'ouvrage "Wiese" et de la région de Rinxent pour "Fleissiges Lieschen".
1)Le 6.7.44, l'ouvrage 711 fut tellement endommagé par une attaque ennemie que son utilisation pour son emploi désigné est remis en question
2)Par le télex Chef OKWIHeeresstab (II)IG 213144 g.
Kdos. Ch. du 18.7.44, la poursuite des travaux de l'ouvrage "Wiese" fut ordonnée, à savoir
- puits incliné pour 5 tubes "Fi. L."
- Schl. "Berta"
- installations de tir à l'air libre "Meteor".
3)
a)La reconstruction ou la construction d'un puits incliné à l'ouvrage Wiese ne peut être menée à bien du point de vue technique qu'avec beaucoup de matériaux et de temps, tout en prenant en considération la certitude que l'installation, connue par l'ennemi, sera attaquée au cours des travaux de construction avec les mêmes moyens que ceux utilisés le 6.7.44 et détruite avant achèvement.
c)Pour la construction d'un nouveau puits incliné pour "Fi. L. " la zone de la carrière de Rinxent f ut inspectée, car là existent les meilleures conditions pour son aménagement, en raison des installations existantes appropriées et de roches calcaires de bonne qualité.
L'ancienne houillère "Puits de Mine" fut tout d'abord prise en considération. Ici une galerie d'accès au puits d'extraction devrait être aménagée à partir du sud dans l'escarpement du front calcaire et à partir de cette galerie le puits incliné serait construit vers le haut.
Comme le Bauwerk 81 dans la carrière de Rinxent a été abandonné par les parties intéressées et son utilisation comme stockage et casernement pour "Fi, L. " a été considérée en première instance, cette installation fut inspectée afin de déterminer si des possibilités d'installation existaient pour l'arme elle-même.
Le chantier existant peut être de nouveau activé sans attirer l'attention, les facilités d'accès n'étant plus nécessaires. Les travaux de construction nécessaires consistent seulement dans le fonçage d'un puits vertical d'extraction et l'excavation du puits incliné. Ces deux tâches peuvent immédiatement commencer sans être repérées à partir du système de galeries existant. L'effort de construction requis est moins important que celui demandé pour la reconstruction de l'objet "Wiese".
Les volumes existant sont de loin suffisants pour recevoir les munitions et le personnel et permettent de tenir totalement cachés les travaux de construction.
Des travaux pour la distribution d'eau sont nécessaires dans les deux cas.
5) C'est pourquoi il est proposé de réaliser la construction d'un puits incliné pour "Fi. L." à l'intérieur de B 81. En outre il est proposé de renoncer à la construction d'une dalle de protection en béton pour protéger l'orifice de sortie du puits incliné comme ce fut le cas pour l'ouvrage "Wiese", car ceci revient seulement à créer un objectif pour les bombardiers. De plus l'existence d'une seule ouverture pour le tir de 3,50 x 0,75 mètres dans un terrain non modifié ne présente aucun point de repère pour la visée. Des mesures peuvent être prises contre la chute de pierres à l'intérieur du puits incliné à la suite d'éboulements.
Les détails, délai, besoins en matériaux, engins de travaux publics et main d'oeuvre pour les propositions cidessus sont indiqués en annexe.
6) AOK 15 a exprimé ses préoccupations contre l'ouvrage Rinxent à cause de sa proximité avec son installation de tir existante K 12. Toutefois il n'y a pas lieu de prévoir que, durant la construction, cette installation soit gênée, car, à cet endroit, des travaux ont été menés depuis déjà un certain temps et jusqu'ici aucune attaque n'a eu lieu. Le Gen. Kdo. LXXXII. A.K. et la Division locale n'ont formulé aucune objection contre des travaux à Rinxent.
Il y a lieu de clarifier si B 81 à Rinxent peut être mis à disposition pour la construction d'un puits incliné, car B 81 était récemment prévu pour une installation "Regenwurm".
"B 81 Rixent" ou chantier N°1353 se situe à 6 km au sud de Mimoyecques et était prévu pour être une installation de stockage et de reliquéfaction du "A-Stoff" ( oxygène liquide prévu pour la fusée A4 ultérieurement V2).
Dans des galeries souterraines avaient été montés des réservoirs destinés à accueillir 550 tonnes d'oxygène liquide à -180° et un groupe de compresseurs reliquéfiant l'oxygène évaporé des réservoirs.
L'installation quasiment achevé, les équipements furent démontés pour être évacués à l'arrière, les Allemands considérant l'entrepôt trop près des côtes et trop en amont des installations de tir A4, ce qui rendait l'acheminement du précieux liquide trop risqué face au bombardement allié.
"Regenwurm" était le nom de code donné aux nouvelles installations de tir enterrées pour les fusées A4.
Suite aux bombardements massifs des grands bunkers de tir et à la mise au point d'installations mobiles de tir, les Allemands envisagèrent de tirer leurs fusées à partir de galeries souterraines dans laquelle aurait été pratiquée une vaste ouverture permettant de lancer les fusées directement à partir des niveaux souterrains.
Les progrès permettant un réglage rapide des instruments de guidage avant le tir firent abandonner le projet pour une préparation suivie du tir directement à l'air libre.
Le choix du nouveau site pour "Fleissiges Lieschen" se porta rapidement sur "Rixent" car celui-ci ne demandait que 1500 mètres cubes de béton et 3000 mètres cubes d'excavations pour y percer un puits incliné alors qu'il fallait 3000 mètres cubes de béton et 8000 mètres cubes d'excavations pour aménager le charbonnage "Puits de Mine"
Cependant nul ne sait si des travaux furent entrepris sur "B 81".
Entre-temps des travaux de déblaiement avaient été repris autour du tunnel principal de Wise dans le but d'accueillir les nouvelles armes prévues par Hitler.
Pensant le site toujours opérationnel les alliés entreprirent le 4 août 44 un nouveau type de bombardement.
Des B17 bourrés d'explosifs, transformés en bombes volantes dans le cadre de l'opération APHRODITE, tentèrent de détruire définitivement le site sans grand succès.
(livres) |
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5.11.43 | 171 48 29 |
Marauders Mitchells Typhoons |
331 523 42 |
2000 500 500 |
427 | 2 | n.d. |
5.11.43 | 49 24 |
Mitchells Bostons |
192 78 |
1000 500 |
104 | n.d. | n.d. |
5.11.43 | 88 | Typhoons | 176 | 500 | 40 | n.d. | n.d. |
19.3.44 | 56 | B. 17 | 657 | 500 | 149 | 0 | 23 |
26.3.44 | 78 | B. 17 | 160 90 |
2000 1000 |
186 | 0 | 34 |
10.4.44 | 9 | B.24 | 56 32 |
1000 100 |
27 | 0 | 1 |
20.4.44 | 7 | B.24 | 56 | 1000 | 25 | 0 | 1 |
27.4.44 | 27 | B.24 | 220 | 1000 | 100 | 0 | 1 |
28.4.44 | 47 | B. 24 | 60 246 |
2000 1000 |
166 | 0 | 6 |
1.5.44 | 22 | B.24 | 12 166 |
500 1000 |
78 | 0 | 7 |
15.5.44 | 38 | B.17 | 95 114 |
1600 1000 |
121 | 0 | 5 |
21.5.44 | 40 | B.17 | 189 | 1000 | 86 | 0 | 14 |
22.6.44 | 24 | B. 17 | 72 | 2000 | 65 | 0 | 13 |
nuit du 22/23.6.44 |
98 | Lancaster | 440 | 2000 | 399 | 1 | n.d. |
nuit du 26/27.6.44 |
85 3 |
Lancaster Mosquito |
510 85 6 |
2000 1000 1000 |
504 | n.d. | n.d. |
27.6.44 | 92 5 2 |
Lancaster Halifax Mosquito |
485 4 |
2000 1000 |
442 | n.d. | n.d. |
6.7.44 | 100 16 |
Halifax Lancaster |
464 16 |
2000 12000 |
508 | 1 | n.d. |
27.8.44 | 174 34 9 |
Halifax Lancaster Mosquito |
832 90 18 |
2000 1000 1000 |
804 | 0 | 0 |
18 attaques | 1375 | 6517 | 4232 | >4 | >162 |
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Vue du sommet de la colline avec la dalle de béton endommagée par une bombe Tallboy et l'énorme cratère qu'elle créa. |
Embrasure d'un puis incliné photographiée par la mission Senders. |
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Fin août 1944, devant l'avancée des troupes de la 3e Division d'infanterie Canadienne, qui libéreront la place le 5 septembre 1944, les Allemands abandonnèrent le site presque achevé mais sans que les fameux canons puissent être installés.
Plusieurs missions d'étude visitèrent le site de Mimoyecques.
Il y eut d'abord la Mission Française "Moureu-Curie" dirigé des Professeurs Moureu du Laboratoire Municipal de Paris et Joliot Curie Directeur du Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.)et qui rendirent un rapport détaillé le18 janvier 1945.
Il y eut aussi la "British Bombing Research Mission" chargée en janvier 1945 d'inspecter les ouvrages du Pas de Calais afin de déterminer les effets des bombardements sur ceux-ci.
La Direction du Génie de Lille effectua également des relevés précis des installations.
Mais il y a surtout la mission du Colonel Sanders chargée de l'étude des nouvelles armes et des grands ouvrages s'y reportant qui visita le site en novembre 1945.
Le Colonel Sanders s'aperçut lors de sa visite que l'installation était bien plus vaste que ce que les services anglais ne l'imaginaient et il conclut dans son rapport daté du 21 février 194 :
Les installations de Mimoyecques et de Wizernes pourraient être achevées ou adaptées pour une action offensive future contre ce pays et leur destruction est nécessaire. On pense que les autres sites ne présentent pas la même menace pour ce pays"
En conséquence, la mission recommande que:
a) Mimoyecques et Wizernes soient détruits. La destruction de Mimoyecques devrait avoir la priorité absolue.
b) Les autres sites mentionnés dans ce rapport peuvent être démantelés à l'occasion".
Winston Churchill ayant pris connaissance du rapport déclara que "les installations auraient bien pu lancer l'attaque la plus dévastatrice d'entre toutes sur Londres". La menace potentielle de fortification a été prise très au sérieux par le Bureau de Guerre et des préparatifs ont été entrepris pour la faire sauter.
L'opération devant se dérouler sur le territoire français, il parut souhaitable de demander l'accord du Comité français dirigé par le Général de Gaulle et des démarches en se sens furent entreprises par le Ministère des Affaires Etrangères britannique. Des conversations prolongées suivirent et deux mois plus tard, le 25 avril, M. Churchill fut averti qu'il semblait très peu probable, que les Français ne soient jamais d'accord avec la destruction des installations. Il a alors été demandé à Winston Churchill s'il ne serait pas préférable dans ces conditions d'agir et de s'expliquer ensuite. Celui-ci approuva et le 9 mai le Génie entreposa dix tonnes de bombes Britanniques de 500 fb et du plastic allemand dans les tunnels. L'explosion ne réussit cependant pas à obturer les entrées. Le 14 mai, à nouveau le génie a fait sauter 25 tonnes d'explosifs répartis de part et d'autre du tunnel ferroviaire. La Mission de démolition Britannique précisa dans son rapport que les entrées avaient été lourdement bloquées et que n'importe quelle tentative de réouverture serait une tâche technique plus longue et plus difficile que d'édifier une nouvelle base.
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Destruction des puis et de la dalle de béton le 14 mai 1945.
Embrasure d'un puits incliné telle qu'elle apparaît aujourd'hui, après les démolitions du Génie.
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Après guerre et malgré les charges de démolition britanniques, un puits incliné était toujours ouvert permettant à de téméraires explorateurs d'accéder jusqu'au tunnel ferroviaire. Plus récemment la partie sud du tunnel, dressée sur une partie plus abrupte de la colline et donc moins endommagée que l'ouverture Nord a été dégagée et aménagée pour la visite de la base V3.
Plus tard une entrée fut déblayée et la visite d'une partie des galeries est aujourd'hui possible à l'adresse suivante :
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