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C.LUZENT
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MIS A JOUR LE 22/04/02

Pièces à longue (L.P.) et très longue portée (T.L.P.)

Informations Techniques
Nom officiel: 340/224 de 150 calibre
Surnom: 340/224TLP
Calibre: 224 mm (8,8 in)
longueur du tube: 33.6 m (110,2 ft)
Portée: 127km (79 milles)
Poids total:
Poids obus:175kg (385lb)
Vitesse d'éjection: 1500 m/s (4921 ft/s).

tlp en cour de chargement

La portée maximale des meilleures pièces de l'Artillerie Lourde sur Voie Ferrée (A.L.V.F.) française en service en 1918 n'excédait pas 37 0000 mètres pour le 340 B Saint-Chamond rayée à 6°. Les pièces allemandes de 380 et 355 atteignaient déjà respectivement 47 000 et 62 000 m de portée, aussi en mars 1918 lorsque les 35 / 21 cm "Wilhelm Geschütze" tirèrent sur Paris à 120 kilomètres de distance, la décision fut prise d'étudier et de construire d'urgence des canons à très longue portée.
Dès le 29 mars 1918, la Commission d'Etudes du canon TLP fut créée. Les projets furent établis très rapidement et les 6 et 8 mai 1918 les premières commandes furent passées aux établissements Schneider et Saint-Chamond (ultérieurement racheté par Schneider ).

En juin 1918 des tubes de 37mm d'une longueur de 110 et 160 calibre furent construits pour étudier la balistique intérieure des futurs canons à très longue portée.
En automne 1918 un canon de 145 mm de 60 calibre fut expérimenté, tirant des projectiles à la vitesse initiale de 1 170 m/s, il fut usé après 80 coups tirés.Le projet fut également révisé par le ministre de la guerre à :
8 pièces de 305/210
3 pièces de 340/210 TLP
12 pièces de 340/240 LP

La mise au point de matériels d'artillerie aussi complexes nécessitait obligatoirement de très longs délaisLa réalisation de cet ambitieux programme connut donc d'importants retards car des études techniques et balistiques multiples s'imposaient avant de passer à la construction de bouches à feu de haute technologie et performances. Les ministres Loucheur et Leygues promettaient pourtant au président de la République Poincaré la livraison de pièces à très longue portée pour l'automne 1918.
A l'armistice aucune réalisation concrète n'était encore envisageable à court terme aussi le 20 décembre 1918, le Maréchal Foch demanda au ministre de la guerre que des crédits exceptionnels soient accordés pour achever au moins les matériels en construction et le commandant en chef souligna qu'il souhaiterait pouvoir disposer de deux canons TLP de 340 / 210 et de quatre 340 / 240 LP.
En avril 1919, le ministre confirma les commandes suivantes aux ateliers Schneider :
- un affût LP de 340 / 240 à 50° et trois affûts LP de 340 / 240 à 37°avec cinq tubes de 340 /240 de 65 calibres.
- un affût TLP de 340 / 210 à 50° avec 2 tubes de 340 / 210 de 110 calibres.
- un matériel d'étude de 240 / 155 à monter sur l'affût de 305 à glissement N° 3057 "MAX" récupéré sur l'ennemi en novembre 1918.

La construction des pièces LP et TLP fut entourée du plus grand secret. Le contexte de l'après-guerre se prêtait mal à la publicité de ces réalisations et notre principal allié, la Grande-Bretagne, aurait pu même s'émouvoir de la construction de canons permettant de tirer des projectiles depuis les côtes du Pas-de-Calais sur ses ports de la Manche. En mai 1931, la Section Technique de l'Artillerie envisageait même la destruction pure et simple des pièces, si la Conférence de Genève sur le désarmement limitait comme il en fut un moment question, la longueur des tubes d'artillerie à seize mètres.

Programme d'étude du matériel LP de 340 / 240 sur affût de 340 à glissement Schneider :
Etudiées par la commission ALVF, ces pièces furent construites à partir de 1920 en employant des tubes de 340 modèle 1912 devenus inutilisables et retubés en 240 de 65 calibres montés sur l'affût de 340 à glissement Schneider.
Trois tracés d'obus furent comparés du 16 juin 1924 au 05 octobre 1929 avec différent pas de rayure.
Les meilleures portées furent obtenues du 20 au 22 juin 1929 avec la pièce ST - CH 1913 NI 8 rayée à 5° 30 sur affût NI 5098 avec des portées :
Obus ALVF de 165 à 170 kg : 44 960 / 53 590 m à 1 200 m/s.
Obus du Général Charbonnier de 216 à 218 kg : 29 000 / 36 000 m à 1 000 m/s.
Obus Schneider de 171 kg : 48 310 / 48 990 m à 1 150 m/s.

Ces essais permirent de fixer la portée maximum de la pièce à
53 000 m pour l'affût à 37°
60 000 m pour l'affût à 50° bien qu'aucun tir réel n'ait été exécuté.

Programme d'étude du matériel TLP 340/224 de 100 :
Monté sur truck par Schneider en 1923, la première bouche à feu à très longue portée (TLP) était à l'origine un tube de 210 de 110 calibre usiné à partir du 340 modèle 1912 Ct 1915 N° 4 retubé et rallongé, l'affût truck retenu pour cette pièce fut celui de 340 à glissement Schneider N° 5095 qui reçut un affût spécial surélevé permettant le tir à 50°.

La bouche à feu subit ses tirs d'épreuves en novembre 1921 à des vitesses maximales de 1 339 m/s.
Cependant les résultats obtenus avec le tube 340/210 furent jugés décevants et son usure rapide amena à fixer le calibre du canon TLP à 224 mm en conséquence, le tube de 210 fut renvoyé au Creusot pour réalésage au calibre 224 de 100 calibre rayé à 5°.

Le 12 et 13 novembre 1927 la pièce avec ce nouveau tube et un nouvel obus au tracé du 09 mars 1927.atteint des portées de 92 000 m à 94 000 mètres.
Ces excellents résultats permirent au Général Challéat de déclarer que " le canon de 340 / 224 de 100 calibres semble constituer une excellente solution du tir à très longue portée, puisque la portée maximum atteinte a notablement dépassé les prévisions basées sur les résultats obtenus par les Allemands avec leur " Pariser - Kanone ".

Les 22, 23 et 24 mai 1929, une nouvelle série d'essais à Saint-Pierre-Quiberon permirent de confirmer ces bons résultats
Le 05 juin 1930, les essais furent d'abord concluants avec des portées de 90 500m et 97 500 m à la vitesse initiale de 1450 m/s mais un incident de tir se produisit au troisième essai entraînant une surpression importante dans le tube.
Le 06 juin 1930, un nouvel obus rayé au tracé du 09 août 1929 fut essayé avec à nouveau un incident de tir et une forte surpression, atteignant 6 500 kg/cm2, endommagent gravement la pièce.
Renvoyée au Creusot pour examen complet celle-ci fut déclarée hors-service en 1931.

L'étude de l'avarie détermina que l`usure importante des rayures à la base du tube ne permettait plus d'engager les rayures de l'obus dans les rayures du canon l'or du chargement. Ce décalage entraînant au départ du coup des efforts résistants anormalement élevés dont la conséquence fut une augmentation très important de la pression et de la vitesse initiale.
Cet incident grave amena la condamnation des obus rayés et l'étude de nouveaux obus à ceintures multiples.

La pièce de 340 / 224 montée sur l'affût spécial a 50° présentait l'inconvénient d'être trop haute pour circuler en ordre de marche sur le réseau ferroviaire. Des opérations importantes de montage et démontage nécessitant du matériel lourd la rendait peu apte aux opérations de guerre
Cette constatation poussa Schneider a étudier dés 1923 un nouvel affût permettant de passer facilement de la position route à la position de tir.

Programme d'étude du matériel TLP de 340 / 224 de 150 calibres :
Le 22 janvier 1924, le marché N° 22 D/L fut passé à Schneider pour la construction d'une pièce de 224/150 calibre qui fut définitivement autorisée par le ministre de la guerre au printemps de 1925 au vu des tracés d'ensemble livrés par le constructeur.


Présentation du TLP sur le champ de tir de Saint-Pierre-Quiberon

Le projet consistait a réalésé le second tube de 210/110 calibre pour le porté à 224/100 calibre et le prolonger par un tube lisse portant sa longueur à 150 calibre. Il était alors envisagé d'obtenir des portées de 150 à 160 kilomètres avec un projectile de 104 kg
Le nouvel affût était du type à glissement reposant, de par son poids, sur nombre exceptionnel sur 22 essieux. Pour permettre le tir a 50° l'axe du tube était surélevé de l'affût au moyen d'un double levier mue par vérins hydrauliques. Un système de haubans avec mat central s'opposait à la courbure du tube.
Montage du tube de rallonge à l'avant du canon La rallonge du tube reposait sur un wagon séparé circulant à l'avant de l'affût-truck et permettant son montage rapide sur la bouche à feu. Livré en 1929 le matériel fut baptisé " canon de 340 224 de 150 calibres à rallonge lisse, monté sur affût- truck Schneider N° 47969 - avec affût oscillant et berceau ", le nom de baptême du tube était " 340 modèle 1912 - Ct 1913 - N°9 - G 340/1912 - 224 / 1927 - N° 1 Ct 1927 ".

Les tirs de recette du 340 /224 TLP se déroulèrent les 25 et 26 mai 1929 à Saint-Pierre-Quiberon.
Les sept obus de 150 kg rayés, établis au tracé du 09 mars 1927 donnèrent des portées légèrement inférieures à celles escomptés s'échelonnant entre 71 500 m à 107 000 m.
Le 21 novembre 1929, les tirs furent repris avec deux obus rayés établis au tracé du 09 août 1929, d'un poids de 142 kg
Le premier coup atteignit les 118 100 mètres. Le second coup, tiré à 15 h02, porta à 127 800 m une vitesse initiale de 1520 m/s et réalisa le record absolu de portée obtenue par un matériel d'artillerie français.

Le grave incident du 224 / 100 calibres conduit à expérimenter de nouveau obus à ceintures forçantes pour éviter de connaître le même dysfonctionnement sur la pièce de 224 / 150 calibres. Il était noté à cette époque " qu'étant donné la difficulté du problème - non résolu par les Allemands un échec est possible ".

Les 18 et 19 novembre 1931, les nouveaux obus de 146 kg, établis au tracé du 26 mars 1931, furent essayés à Saint-Pierre-Quiberon. Les sept projectiles atteignirent des portées de 104 000 à 121 600m.
Les ultimes tirs du 224 / 150 calibres se déroulèrent les 22 et 24 novembre 1931.

La pièce TLP existait toujours en 1940, stockée à Saint-Pierre-Quiberon, son tube complètement usé après le tir de 35 projectiles seulement ne permettait pas d'envisager son emploi de guerre. Le programme d'artillerie de 1939 prévoyait de l'équiper d'un nouveau tube de 220 mais ces projets ne purent être menés à bien. La pièce fut probablement sabotée avant l'arrivée des allemands à Quiberon en juin 1940.


Elévation maximale du TLP avant un tir d'expérimentation à Saint-Pierre-Quiberon


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