![]() C.LUZENT
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MIS A JOUR LE 19/08/01 |
Informations Techniques |
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![]() Première implantation du canon de paris sur plate-forme métallique ettungsschiessgerüst |
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![]() Ci dessus : montage du tube sur son affût. A droite : le canon en position de tir sur Paris sur affut eisenbahnschiessgerüst, notez le camouflage. |
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Cachés dans la forêt de Saint-Gobain, près de Crépy-en-Laonnois, au nord-est de Paris et 16 km derrière la ligne de front, deux monstres d'acier, en batterie à neuf cents mètres l'un de l'autre, commencent à pilonner la ville de Paris le 23 mars 1918 à 7 heures 15 du matin. Soit seulement deux jours après le début de l'offensive allemande contre la Cinquième Armée britannique à Amiens qui permit de conquérir les positions de tir. Une troisième bouche à feu se joignit à eux quelques jours plus tard. Les canons sont réglés sur le Palais de Justice sur l'île de la Cité dans le centre de Paris, pour une distance phénoménale de 121km. Une telle distance imposait d'ailleurs des calculs balistiques spéciaux incluant en autre la rotondité et la rotation de la terre. Une équipe de mathématiciens était spécialement venue de Berlin effectuer les calculs de pointage.
Vers 7 h 17 avec un fracas qui est entendu dans tout le centre de Paris, un premier obus tombe sur la place de la République. Quinze minutes plus tard, à la grande consternation des Parisiens, une explosion de même intensité secoue de nouveau la capitale. Le projectile est tombé cette fois-ci rue Charles-V. Puis un troisième obus éclate boulevard de Strasbourg, à deux pas de la Gare de l'Est.
Ce 23 mars fatidique était une magnifique journée de printemps. Le Kaiser lui-même vint inspecter, vers 13 heures, les engins qui pilonnaient Paris depuis le matin.
Le soir on dénombra 21 impacts sur Paris et 1 à Chatillon.
En quelques heures, cette nouvelle ahurissante du bombardement de Paris fait le tour du monde grâce au télégraphe et au téléphone. Partout l'information est reçue avec étonnement et incrédulité.
Le commandement allié, croyant dans un premier temps que ces bombes étaient dues à un assaut aérien d'avions ou de dirigeables agissant à très haute altitude, mobilisa la quasi-totalité de la chasse aérienne à investiguer l'espace aérien parisien aux plus hautes altitudes, ce qui ne donna strictement rien si ce n'est la perte d'un pilote américain qui perdit le contrôle de son avion et vint s'écraser en banlieue sud après avoir dépassé le plafond maximum !
L'aviateur René Fonck, écrit à propos du 23 mars 1918 : "L'après-midi, un message téléphonique annonçait que Paris était bombardé par canon, et chacun de rire tant la nouvelle paraissait invraisemblable. Je n'osais trop pour ma part, manifester mon sentiment. L'hypothèse d'un canon installé à plus de 120 kilomètres et posant son projectile aux environs de la gare de l'Est, semblait à tous franchement absurde ! Pourtant, comment croire à des avions en plein jour, semant des bombes durant toute la matinée et passant invisibles à travers une nuée de Spads disposés pour les arrêter ? Seule l'hypothèse du canon arrangeait tout, mais la portée de la pièce restait un phénomène inexpliqué."
Dans les jours qui suivent, les journaux parisiens s'efforcent d'éclaircir le mystère et avancent diverses hypothèses. Pour certains, les obus sont tirés par des canons dissimulés dans des carrières abandonnées ou des secteurs densément boisés de la région parisienne. Pour d'autres, les projectiles sont tirés par un canon pneumatique silencieux installé au cœur même de la capitale! Des recherches furent d'ailleurs entreprisent dans la région de Paris par des journalistes et des militaires pour trouver où se cachaient ces fameux canons
Entre temps bien qu'un épais brouillard matinal recouvre le site, empêchant tout repérage visuel, les Français basés sur les hauteurs de Fourdrain purent repérer au son l'emplacement d'une nouvelle pièce d'artillerie.
Le 24 mars, alors que le docteur Rausenberger discute de la réussite du projet avec son équipe rassemblée dans la clairière, des obus français se mettent à pleuvoir! Les premiers éclatent à quelque 200 mètres de distance sans toutefois faire de blessés, mais un projectile de la troisième ou quatrième salve percute un arbre, explose et blesse six ou sept artilleurs du canon numéro un. Durant la période où les canons furent à Crépy, les Français tirèrent ainsi une centaine d'obus contre la batterie sans parvenir à causer d'autres pertes.
Des bombardements aériens et des tirs de contre-batterie sur la forêt de Saint-Gobain par des canons de 320 mm montés sur chemin de fer de l'Armée française ne réussirent jamais à réduire au silence l'arme secrète.
Toutefois, après le début du pilonnage de Paris, un grave accident fit plusieurs victimes. Un obus explosa à l'intérieur du tube et fit éclater le canon.
Lorsque le front allemand s'avance vers Paris durant l'offensive du printemps 1918, les canons géants suivent. Le premier mai 1918 les canons sont retirés de la forêt de Saint Gobain après avoir tiré 185 obus et sont transférés à Beaumont en Beine dans le bois de Corbie à 109 km de Paris. Du 27 mai au 11 juin 1918 les canons tireront 104 obus de cette position avant d'être démontés à nouveau et transférés à 15 km au nord de Château-Thierry, 200 m au sud de la voie ferré qui traverse le Bois de Bruyère-sur-fère à Fère-en-Tardenois et situé seulement à 91 km de la capitale. Cette position rapprochée entraînait une diminution de la puissance des charges propulsives et, par conséquent, de l'usure des tubes des canons. Cependant les Allemands furent rapidement délogés de cette position où les canons ne tirèrent que 14 obus entre le 16 et 17 juillet 1918. En effet devant la contre-offensive alliée (2ème bataille de la Marne) de juillet 1918 les canons furent précipitamment démontés et réexpédiés à Beaumont en Beine ou 64 obus furent encore tirés du 5 au 9 août 1918.
Photos aériennes du Canon de Paris dans le bois de Bruyère au sud du hameau de Val Chrétien
Au total c'est plus de 400 obus qui furent tirés dont 367 impacts recensés. 351 obus ateingnirent la ville de Paris pendant plus de quatre mois avec un épisode tragique le 29 mars 1918 à 16 h 27, lorsqu'un obus sectionna le deuxième pilier de la face nord de l'église Saint-Gervais près de l'hôtel de Ville, provoquant l'effondrement de la voûte, en plein office du Vendredi-Saint, causant la mort de 91 fidèles et en blessant 68 autres. Le 9 août, à 15 heures 30, le dernier projectile fut tiré en direction de Paris. Au cours de cette période, huit tubes furent utilisés sur les trois affûts. Les Canons de Paris auront tiré 351 obus sur la ville, d'une distance maximale de 121 km, causant ainsi la mort de 256 personnes et en blessant 620 autres.
Au début de mai 1918, l'équipe du professeur Rausenberger à la Krupp planche déjà sur un système de 305 mm capable de tirer des obus de 300 kg à une vitesse initiale de 1 700 mètres/seconde et à une distance de 170 km. Dans son manuscrit sur le Canon de Paris, Rausenberger écrira: <<Le concept du tube ainsi que plusieurs approches pour ralentir son usure avaient été définis lorsque la révolution et la signature de l'humiliant armistice détruisirent à jamais tous nos plans d'un seul coup.>>
Entre le moment de l'entrée en vigueur de l'Armistice, le 11 novembre 1918, et l'arrivée des commissions d'inspections militaires alliées en Allemagne après la signature du traité de Versailles, les autorités allemandes retirèrent en vitesse les Canons de Paris qui furent transportés en secret et fondus dans les usines Krupp d'Essen.
Aucun des Canons de Paris ne tomba entre les mains des Alliés qui durent se contenter de récupérer les affûts.
Tous les devis, les études d'ingénierie, les documents de référence qui s'y rapportaient furent également détruits ou cachés. Toute divulgation par un citoyen allemand d'informations se rapportant aux Canons de Paris était interdite et les indiscrets risquaient de lourdes peines.
Le Deuxième Bureau français (service de renseignement militaire) et le Secret Intelligence Service britannique offraient des sommes considérables pour obtenir des renseignements sur les Canons de Paris. Deux Allemands seront d'ailleurs condamnés par une cour de Leipzig à des peines de prison pour espionnage. Ils avaient communiqué à une "puissance étrangè" des renseignements au sujet du Wilhelm-geschutze. Les informations obtenues clandestinement par le colonel américain Henry Miller auteur du seul ouvrage détaillé sur les Canons de Paris publié en 1930, provenaient de membres du personnel technique engagé dans le programme expérimental de mise au point de nouvelles munitions pour la Krupp dans son centre de Meppen.
Malgré le manque d'intérêt affiché officiellement pour le Canon de Paris, la France et l'Angleterre se lancèrent dans les années qui suivirent la Grande Guerre dans des programmes destinés à égaler ou surpasser l'exploit allemand, les Français obtenant des résultats significatifs. Les efforts furent de courte durée, les recherches militaires ne soulevaient guère d'enthousiasme après l'hécatombe de 14 -18. Les stratèges alliés citèrent les effets négligeables des obus tombés sur Paris pour conclure que les canons à portée étendue n'avait aucune valeur militaire.
Position | désignation allemande | désignation française | Type d'affûts: | angle | premier tirs | tirs |
XV | Crépy | Mont de joie, position 2 | Bettungsschiessgerüst sur caissons métallique | 123º | 29 mars 1918 | ? |
XVI | Crépy | Mont de joie, position 3 | Bettungsschiessgerüst sur caissons métallique | 123º | 29 mars 1918 | ? |
XXIII | Crépy | Mont de joie, position 1 | Eisenbahn und Bettungsschiessgerüst Betonbettung | 360º | 29 mars 1918 | ? |
XXV | Beaumont-en-Beine | bois de Corbie | Eisenbahn und Bettungsschiessgerüst Betonbettung | 360º | 27 mais 1918 | 157 |
XXXII | Frère-en-Tardenois | bois de Bruyère | Eisenbahn und Bettungsschiessgerüst Bettung mit Eisenunterba | 360º | 15 juil 1918 | 15 |